Bonjour à tous,
Cet été 2018 et en particulier, ce septembre 2018 voit fleurir une véritable prolifération d'articles sur la question de la "sorcière".
Sephora a même été jusqu'à envisager un "kit sorcière" (composé d'un smudge de sauge blanche, de quartz rose et autres éléments), mais qui a été annulé sous la pression du mouvement witch aux USA.
Un petit exemple des articles :
- http://www.slate.fr/story/167288/grimoire-magie-feministe-trois-ages-vie-mona-chollet
- https://www.vice.com/fr/article/9kvw97/la-femme-sans-enfant-est-une-figure-moderne-de-la-sorciere
- http://amp.terrafemina.com/article/les-sorcieres-sont-elles-les-nouvelles-icones-feministes_a345252/
Sans compter la prolifération de mode de la sorcière dans les séries, avec le reboot de Charmed, ou encore Sabrina qui sort sur Netflix en octobre...
Mais est-ce véritablement un phénomène de mode étudié par les journalistes ?
Eh bien, non, pas vraiment. En tout cas, clairement pas pour la majorité des articles.
Il faut mentionner la sortie de deux livres clés : Âme de sorcière de Odile Chabrillac, et le livre de Mona Chollet, Sorcière, la puissance invaincue des femmes.
Qu'ont en commun ces deux auteures ? Elles sont journalistes. Odile Chabrillac indique sur son site avoir été journaliste dans le bien-être, et Mona Chollet pour le Monde Diplomatique.
Elles ont donc des réflexes, les relations et une maison d'éditions derrière elles pour faire pleuvoir une pluie de services presses auprès de leurs consoeurs et confrères journalistes.
Je met un peu à part le travail de Odile Chabrillac, qui a eu un véritable écho en dehors du cadre journalistique, et sans dénigrer le travail de Mona Chollet, qui est sorti trop récemment pour qu'il soit encore possible d'aviser de l'écho de celui-ci.
Notez bien que je ne dénigre en rien le travail de ces deux femmes, que je respecte profondément. J'indique qu'elles ont eu les moyens de faire la communication de leurs ouvrages auprès de la presse, alors que le mouvement Me Too avait pris suffisamment d'ampleur pour qu'ENFIN on puisse se pencher sur les symboles de puissance de la femme.
Et la sorcière est naturellement intervenue comme étant l'un de ces symboles les plus accessibles.
Est-ce que cela galvaude la sorcière ?
Il est particulièrement paradoxal de présenter un mouvement en marge de la société et qui a servi de bouc émissaire aux fils des siècles (voir cet article) pour en faire un phénomène de mode. Et en même temps, c'est sociologiquement courant.
Est-ce que l'ésotérisme est enfin accepté dans la société ?
La porosité entre ésotérisme et bien-être (et toutes les disciplines associées) a toujours été forte quelque soit l'époque. Il y a trente ans le yoga était vu comme une discipline ésotérique, et maintenant travailler ses chakras entre mère de famille, le vendredi soir, après avoir largué les gosses en pyjama, ça n'a rien de plus courant. Cette porosité s'exprime là encore dans le mouvement witchy, avec la tentative de sephora, ou le fait de trouver de la sauge en vente pour "nettoyer sa maison avec des ions négatifs et éloigner les énergies négatives" dans les magasins bio, de bien-être et autre.
Ça ne signifie pas et en rien que l'ésotérisme est accepté. Ces éléments spécifiques sont devenus acceptables par porosité (c'est-à-dire que des personnes qui s'intéressent de très loin à l'ésotérisme, voir pas du tout, s'y sont intéressées et ont intégré à leurs routines personnelles). Mais pas la magie, pas la ritualité.
Tentez de faire un rituel en pleine ville, dans un jardin public, en faisant une offrande, avec cercle tracé, bougie et tutti quanti...
Et on va vers quoi ?
Trois possibilités :
1. le mouvement witchy devient intégré à la société, et toutes les sorcières qui précédaient le mouvement, donc qui ne se reconnaissent plus dans l'essence même du mouvement qu'elles suivaient, en tant que borderline social, embrasseront une identité modifiée. Les archétypes resteront les mêmes, mais elles repasseront dans l'ombre, vivant de façon intimes et personnelles, détachées de la mode, ce qui les caractérisent en tant que sorcière : nature, intériorité, mystique.
Voir embrasseront une nouvelle identité, dans un ancien mouvement underground, ou un nouveau qui s'annonce.
2. la sorcière intègre la société : le féminisme devient une expression féminine, n'est plus un outil d'affrontement homme/femme, et la sorcière prend toute sa place dans sa connexion à la nature (écologisme, respect de l'humain et de ses cycles), et vit dans une société équilibrée qui respecte la spiritualité de chacun.
3. le phénomène de mode s’essouffle dans les 3 ans à venir, pour faire repasser la sorcière dans l'ombre, laissant place à une volonté d'un "humain sacré", c'est-à-dire un rapport femme & homme équilibré, avec un retour du questionnement de "l'homme sacré" (j'ignore encore quel nom prendra ce mouvement).
Et de ces trois possibilités quel est le plus probable ? Les trois à la fois. Avec probablement une dominante pour la troisième. Notre société n'est pas cartésienne et la raison n'obéit pas à la norme. D'autant plus que la mode peut composer la norme.
En conséquence, oui, il peut apparaître effrayant de voir le mouvement witchy rattrapé par la mode, alors qu'il est fait d'ombre et de recul. Surtout après autant de siècles.
Est-ce grave ? C'est surtout une opportunité, enfin, de renouer avec la question de la puissance féminine, et surtout, d'apprendre aux hommes, que non, la puissance de la femme ne se limite pas à la sorcière justement. Pour enfin faire sortir le witch des articles de journaux.
Bien à vous, Hagel
Sources :
Odile Chabrillac, biographie, consultée le 19/09/2018
Mona Chollet, biographie, consultée le 19/09/2018